Run, run Devil ! [PV : Nihahsah]

Il se produit parfois des évènements qui échappent totalement à notre contrôle. Prenez Uchungu par exemple, tout au long de sa courte existence le jeune félin avait mis un point d’honneur à planifier chacune de ses actions, aussi anodines soient-elles. Depuis sa mise au monde, il conservait cet esprit terre à terre qui le caractérisait. Couplé à son esprit méticuleux et calculateur, la nature d’Uchungu illustrait parfaitement cette manière particulière d’aborder la vie. Rester maître de ses actions en toute circonstance ; c’était la clef pour parvenir à ses fins.

Au fil du temps, le mâle se rendit compte –à sa plus grande stupeur- que la vie n’avait rien de si rectiligne. Que tout ne pouvait pas se prévoir à commencer par l’insidieuse épidémie touchant la majeure partie des lions foulant ces terres. Une maladie contre laquelle Uchungu était convaincu d’être immunisé, et pourtant. Il lui était tombé dessus un matin, l’amour –ou du moins quelque chose qui s’en approchait. N’étant pas un habitué des sentiments du même type, l’adulte s’imaginait vaguement que cela y ressemblait-. Sa mémoire était encore capable de restituer parfaitement cet instant où lorsqu’il se leva, ses pensées allèrent à une autre personne que lui-même pour la première fois. Frayeur. L’animal mis du temps à encaisser la chose. Comment les évènements avaient-ils pu prendre cette tournure ? Ses interrogations restèrent sans réponse car à la logique du cœur, il n’y avait aucune justification qui tenait, juste les sentiments : ce fardeau dont il pensait avoir été exonéré dès la naissance.
Rien n’était déterminé.

***

Le cœur battant à la chamade, Uchungu courait à vive allure à travers la forêt. Le lion paraissait légèrement affolé et donnait l’impression de fuir quelqu’un ou quelque chose. Maintes fois au cours de sa course, ses yeux firent d’ostensibles mouvements tantôt devant, tantôt derrière tandis qu’il maintenait un rythme de cadence effréné. Il n’avait jamais couru aussi vite de sa vie. Il sentait tressaillir son palpitant si bien qu’il avait la ferme impression que ce dernier menaçait de jaillir hors de sa poitrine à tout moment.

Le plus dur dans l’affaire était de maintenir son niveau de concentration. Ne pas succomber à la peur qui entraverait très certainement ses mouvements. Ne pas cligner des yeux, se repérer grâce aux arbres maintes fois rencontrés lors de ses anciennes pérégrinations. Ce lieu, Uchungu le connaissait parfaitement pour l’avoir arpenté régulièrement ces derniers temps. A droite puis à gauche et enfin à droite, le lion était tout près.

« Nihahsah ! »

Uchungu venait de s’époumoner tandis que prenait fin sa folle course : de la sueur perlait de son front.

« Nihahsah, je sais que tu es là. »

Son regard se leva en direction d’un arbre particulièrement feuillu.

Nihahsah Elle fronça les sourcils, se recroquevillement encore un peu. Nihahsah, je sais que tu es là. Un sourire serein se dessina sur son visage. Niha était dans les vapes, au creux de son nid qu'elle s'était machinée au fil des années. La voix qu'elle entendait, elle l'aimait, c'était rare qu'une voix la fasse sourire ainsi. En fait, ça n'était jamais arrivé auparavant. Ça faisait peu de temps qu'elle avait ce genre de sentiments, non pas pour ces cordes vocales, mais ce lion là, avait réussi à la faire tomber sous son charme. Comment ? Comment ça a pu arrivé ? La sanglante Niha, chasseuse du clan Out, machine à tuer, était finalement séduite par un lion, pas si bon en chasse, aux penchants diaboliques et à l'esprit taquin. Mais il avait ce plus qui la rendait bizarre.
Elle se roula sur elle même, à moitié dans un rêve, elle roulait, roulait, sur le côté et paf, elle glissa du bord de sa cabane, en haut d'un arbre. Par chance elle se rattrapa sur le bord et d'un réflexe remonta aussi vite, mais au moins, ça l'avait réveillée. Elle secoua la tête, avançant son museau près du le bord pour poser son regard gris sur son ami qui la cherchait alors. « Qu'est ce qu'il te prend ?! » dit-elle d'une voix faussement énervée. Elle n'imagina même pas que c'était un piège ou quoi que ce soit de ce genre, bien que ce soit normalement le style du lion, du moins avec leurs confrères, elle avait en lui une certaine confiance, c'était un plaisir de passer du temps avec lui. Tel un prince faisant sa sérénade, il était en bas de l'arbre et quand il la regarda enfin, elle se mise à sourire, naturellement.

Spoiler:

« Toujours aussi bien luné, même au réveille à ce que je vois. » Déclara ironiquement Uchungu.

Le lion ne l’avait pas pris pour lui, il connaissait le tempérament de feu de sa partenaire et considéra comme une bonne chose de se faire réprimander par cette dernière. En vérité le contraire aurait été plus alarmant aux yeux du mâle.
Son regard de jade se posa sur la femelle. Pas de doute possible, c’était bien elle et à en juger par la mine encore endormie de son faciès, il y avait fort à parier qu’il venait de la réveiller. Cependant, aussi certainement que le soleil succède au mauvais temps, Nihahsah lui sourit le plus naturellement du monde. De ce sourire que seule une femelle amoureuse –du moins, le pensait-il- était capable de réaliser. Un sourire sans arrière pensée, empli de tendresse, qui met en confiance. Un sourire véritable qu’Uchungu s’hasarda à retourner maladroitement. Pour tout dire, celui-ci s’apparentait bien plus à une grimace.

Puis, dans l’euphorie toujours suscité par ce sourire, Uchungu entreprit l’ascension de l’arbre à sa manière afin de rejoindre la femelle. Beaucoup moins gracile que cette dernière lors des épreuves d’agilité, le corps massif du mâle lui permettait cependant de s’agripper avec aisance au tronc de l’arbre qui aurait hurlé de douleur s’il pouvait parler tant les griffes acérées du félin pénétrait son écorce. Enfin, en moins de temps qu’il fallait pour le dire, Uchungu se retrouva au même niveau que son interlocutrice, d’égal à égal.

Le félin la regarda longuement sans rien dire contrairement à son habitude. Sa respiration lente mais profonde était manifestement dût à l’état de concentration extrême dans lequel il se trouvait tant il la dévorait du regard. C’était un phénomène étrange qu’Uchungu ne savait expliquer mais lorsqu’il se retrouvait à proximité de la lionne, il avait la fâcheuse tendance à laisser libre cours à son côté passionné. Nihahsah devait sentir se poser sur elle des regards où se mêlait l’envie ainsi qu’un appétit vorace maladroitement dissimulé derrière un calme apparent.

« J’étais certain de te trouver ici. »

Uchungu s’arrêta net. Il venait de remarquer la feuille qui s’était posée subrepticement sur le crâne de la lionne et décida de la retirer d’un geste de la patte.

« Mais le temps n’est pas à la discussion. Pas encore. Nous devons partir. »

On aurait dit deux enfants qui se regardaient dans les yeux, avec seulement bien plus d'arrières pensées. Ce qui lui plaisait c'était que ce félin diabolique semblait vraiment vouloir la voir, la sentir près de lui, il la dévorait des yeux à chaque instant. Ça la rendait fière, heureuse, ces simples marques d'affection. Il essaya du mieux qu'il pouvait de monter là haut, auprès d'elle, dans sa cabane au creux des feuilles. Le lion avait du mal, mais c'était bien mieux qu'à sa première fois. Oui oui, il venait régulièrement, sinon comment connaîtrait-il l'endroit ? Elle se mit à sourire, un peu moqueuse, au souvenir de lui, glissant de l'arbre régulièrement pour monter voir sa dulcinée, la première fois.
Il était sure de la trouvée là. Normal après tout, elle y passe régulièrement, pour dormir, cacher de nouveaux objets (d'ailleurs elle s'était faite une belle collection) qu'elle découvrait dans la savane, c'était son petit nid douillet qu'elle n'avait jamais partagé, avant. Seuls eux deux étaient au courant de cette cachette. Un secret qu'elle avait finalement partagé avec lui, elle avait tout partagé avec lui, autant son coeur que son nid.
Une feuille tomba sur son crâne, il l'enleva d'un coup de patte, mais avant même qu'elle ne puisse lui dire bonjour comme il se doit et le remercier de cette fringante toilette... « Mais le temps n’est pas à la discussion. Pas encore. Nous devons partir. » Elle leva un sourcil d’interrogation et au lieu de l'écouter en partant d'un pas de course, et par habitude contradictoire, elle s'assit devant lui, son regard toujours autant intrigué « Comment ça partir ? Pour aller où ? »

Sujet: Re: Run, run Devil ! [PV : Nihahsah] Lun 3 Sep 2012 - 15:24

Comme cela était à prévoir, Nihahsah se montra dubitative quant à la proposition, sonnant d’avantage comme un ordre, que venait de lui soumettre le mâle. Après tout, même si le lien qu’Uchungu entretenait avec la lionne n’avait jamais été aussi fort, il était prévisible de sa part qu’elle lui pose des questions… une attitude se révélant d’autant plus pertinente lorsque l’on connaissait le tempérament aventureux d’Uchungu.

Le félin resta silencieux un long moment. Devant tant de résolution, celui-ci savait qu’il n’échapperait pas éternellement aux interrogations de sa femelle. Cette lionne, il l’a connaissait par cœur –du moins, le pensait-il- pour avoir aimé chacune de ses facettes ; les bonnes et les mauvaises. Aussi, prit-il le temps de la scruter minutieusement afin de préparer sa réponse. Devait-il lui mentir ? Lui dire la vérité, ou seulement une partie ? Uchungu ne trouva rien de mieux sur l’instant que de porter son attention en direction de la patte de Nihahsah qu’il saisit par la suite.

Le regard vitreux, l’adulte donnait l’impression d’être dans un songe. Cette patte qu’il tenait, maintes fois il l’avait vu. Tranquille… docile… elle l’avait touché, titillé et frappé aussi… mais quoiqu’il en soit, aucun des souvenirs qu’il avait de cette patte n’était aussi fort que ceux fantasmés durant ces nuits où, seul dans sa grotte, Uchungu s’était mis à rêver.

« Vois-tu… il arrive que… il arrive parfois que les choses échappent totalement à notre contrôle, même pour un individu comme moi. »

Il s’adressa à Nihahsah sans même lui accorder un regard. Ses yeux de jade étaient fixés sur la patte, un peu honteux.

« Du sable et des os. C’est ce que j’ai de mieux à proposer pour l’instant. » Dit-il en faisant allusion au désert.

D’un geste élégant, Uchungu porta la patte de sa Dulcinée au contact de son museau pour en respirer le doux parfum. Puis… ses yeux se fermèrent. Il fallut attendre un certain temps avant que le mâle ne se décide à gratifier la patte d’une lèche timide.

« La véritable question n’est pas de savoir où aller…. Non… non.»

A ces mots, le lion extirpa son faciès des pattes de la lionne afin de reporter toute son attention sur cette dernière. Il espérait ainsi pouvoir s’attirer ses faveurs tandis qu’il l’a couvait d’un regard charmeur. Le silence qui s’installa ensuite fut volontaire. En effet, il avait pour but de donner plus d’intensité aux mots qui suivraient car Uchungu savait qu’il lui fallait convaincre.

« Mais si tu compte me suivre. »

Sujet: Re: Run, run Devil ! [PV : Nihahsah] Lun 3 Sep 2012 - 18:50

Il semblait songeur. Ça aurait pu être une façon de l'avoir, de lui tendre un piège, mais même si cette idée était passée dans la tête de Niha, ça lui semblait impossible, stupide. Comment aurait-il pu ? Bien qu'il soit cruel, ce n'était pas le cas avec elle. Et cette théorie s'en alla rapidement lorsqu'il lui toucha la patte. Un petit geste anodin, et pourtant, ce genre de choses changeaient tout dans la vie d'une personne. Ces petits moments de bonheur comme quand il lui prit la patte pour, tel un gentleman, lui faire un baise main. Il y a de ces gens avec lesquels nous n'avons pas besoin d'explications, Nihahsah et Uchungu c'était un peu pareil. Si elle le questionnait c'était par habitude, et pour être rassurée. Il le faisait bien, sans soucis. Elle cru comprendre qu'il souhaitait aller au désert, qu'avait-il de si intéressant là bas ? C'était un poil excitant. L'adrénaline du moment : tout lâcher pour partir suivre sa moitié. Elle savait que ça n'avait rien d'une fugue amoureuse, elle était au courant de ses manigances, elle le trouvait plus intelligent que les autres, c'était aussi cette part chez lui qui la charmait. Il semblait s'en vouloir de quelque chose, la lionne pensait que c'était parce qu'il ne croyait pas réussir à calmer ses doutes, pour le moment du moins. Elle eut un léger sourire, elle s'en fichait au pire, d'où il allait, tant qu'il m'emmène. A sa dernière phrase, qui sonnait clairement comme une demande maladroite. Elle s'approcha de lui pour lui faire une petite lèche sur la joue, dans un petit grognement félin loin d'être hostile, puis elle lui chuchota au creux de l'oreiller.
« Allons y.»
Elle lui fit un sourire qui semblait un peu nostalgique, sans vraiment s'en rendre compte, non pas par rapport au lion mais plutôt dédié à la cabane. Nihashah avait passé sa vie ici, à regrouper des souvenirs, c'était son nid, son cocon, sa casa... Elle regarda autour d'elle, un tas de feuilles douillet, un bout de matière bizarre dans lequel elle arrivait à se voir de façon encore plus claire que le reflet d'une rivière, qu'elle avait chopper à un oiseau, des perles et pierres brillantes qu'elle avait réussi à attraper dans une rivière, un vieux crâne... et d'autres objets aussi bizarres les uns que les autres, qu'elle considérait comme ses trésors. Dans un soupir, avec un regard légèrement triste, elle sortie sur la branche qui lui servait de porche. La lionne se demandait si elle reviendrait un jour, ici, elle se souvenait aussi de sa première fois dans cette entre, un jour torrentiel où il n'y avait plus de place dans les grottes du coin pour une petite adolescente. Elle leva son regard vers le ciel, d'ici elle avait une jolie vue sur la savane, mais elle, personne ne pouvait la voir, un effet d'optique avec les feuilles et tout ça, bref.
«... Il est plus joli le ciel, d'ici, tu ne trouves pas ? »
Bien que la lionne brune soit d'ordinaire agressive, sa voix était là douce, un peu gamine, inoffensive je dirai même. La boule qu'elle avait dans la gorge ne demandait que quelques mots de sa part, et même s'il disait quelque chose de tout à fait banal, il lui suffirait de l'entendre pour ne rien regretter.

Sujet: Re: Run, run Devil ! [PV : Nihahsah] Jeu 6 Sep 2012 - 16:49

« Oui… vraiment…. » Les mots ne parvenaient pas à sortir. « Vraiment... » Puis, au prix d’un effort d’élocution surhumain « Vraiment splendide. »

Ce que le lion ne disait pas, c’est que durant toute la scène il n’avait eu d’yeux que pour Nihahsah et que ce compliment lui était destiné à elle et non au ciel. Jamais au grand jamais son regard ne s’était détourné de sa silhouette si finement dessinée. Il la trouvait simplement sublime. De surcroît, Uchungu avait l’intime conviction qu’à cet instant précis où le visage tourné en direction des nuages sa lionne fixait le ciel, il ne la trouverait jamais aussi belle. Il souhaita à jamais graver ce moment au plus profond de sa mémoire alors il ferma son regard sur le monde comme on prendrait une simple photo et ne le rouvrit qu’après avoir intégralement reconstitué le tableau dans ses souvenirs.

Désormais, c’était sûr. Il aimait Nihahsah.

Son cœur se serra à l’idée qu’elle n’en sache jamais rien. Mais Uchungu le savait, c’était la règle du jeu. Ce genre de pensée ne pouvait être révélé au grand jour et n’avait pas leur place dans ce monde, dans son monde. Sa destiné ? Elle était toute tracée et rien n’y personne n’aurait su l’en détourner.

Il resta là, assis et silencieux, à savourer l’instant avant que ne commence sa nouvelle vie et par ailleurs celle de Nihahsah. Oui, elle venait avec lui au prix d’une myriade de sacrifices dont il ne prit conscience que maintenant. Lui ne laissait rien derrière son sillage si ce n’est une profonde rancœur envers son clan. Mais pour elle… cela devait être différent. Au moment venu, il saurait la remercier de sa confiance.

Cette dernière pensée ramena l’adulte à une réalité plus cruelle. Il était temps de partir, la lionne devait également le sentir… pour cette raison, Uchungu se leva et laissa tranquillement ses pas le diriger vers sa femelle. Lorsqu’il fut à sa hauteur la première chose qu’il aurait voulu lui faire aurait été de lui adresser un geste d’affection simplement, ce n’était pas le genre d’automatisme qu’il avait encore pris. De ce fait, il se ravisa aussitôt.

« Mais… » Le mâle se racla la gorge, légèrement gêné par le caractère intime du moment, avant de renchérir à nouveau. « Le temps presse et j’ai bien peur que le délai nous étant imparti ne soit déjà écoulé. »

Il n’attendit pas la remarque de la lionne pour bondir hors de l’arbre, faisant virevolter les feuilles et vibrer la branche sur laquelle il se trouvait jusque là. Une fois en bas, son odorat huma l’air, à la recherche de quelques anomalies environnementales susceptibles de l’alerter. Rien à signaler à l’horizon, la voie était libre.

« Nihahsah. En route vers notre Destin. »

Tout droit, toujours tout droit.