« Retrouve-moi au rocher du désert. Si je ne suis pas là aux premières lueurs du deuxième jour ; vas-t-en. Enfin si d’ici là tu n’as pas déjà servie de plat de résistance aux vautours. Je suis certain que ta chaire est tendre et savoureuse. »
Ces mots revinrent à l’esprit du lion tandis qu’il enjambait à vive allure les obstacles sur son chemin. Ils les avaient prononcés plus tôt dans la soirée à l’attention de Nihahsah. Recherchés, traqués, les deux amants avaient convenus de se retrouver dans le désert là où personne n’iraient les retrouver. Aussi, après cette séparation temporaire et pourtant Ô combien déchirante, chacun emboîta le pas dans une direction opposée. Uchungu n’avait rien à craindre pour sa partenaire, sa route se ferait sans encombre, après tout, elle n’était pas recherchée.
En revanche, en ce qui le concernait, la donne était différente. En effet, pour des raisons encore obscures -mais certainement imputable à la mort de Choyo, le vénérable Pridelanders-, le félin avait décidé de déserter son clan, sa famille, sa vie et ce, alors que la guerre entre Pridelanders et Outsiders était imminente. Il n’y avait guère de pire moment pour mettre les voiles. Dans ces conditions, il ne fut nullement surpris de constater que ses anciens frères de clan s’étaient mis à sa poursuite en redoublant de véhémence à son égard, comme attestait l’entaille qu’il avait à la patte et qui était sûrement dut à ses poursuivants.
Fort heureusement pour lui, à la faveur de cette nuit noire, le mâle était parvenu à semer ses assaillants, du moins temporairement. Il se doutait bien qu’ils finiraient par flairer sa trace tôt ou tard car il émanait une drôle d’odeur de sa carcasse de fugitif. Une odeur dont il avait toujours soupçonné l’existence sans jamais réellement la sentir ; la peur. C’était cela, il empestait la peur de la tête aux pattes. Jamais son cœur n’avait autant tambouriné dans sa poitrine, jamais il ne se serait douté qu’il pouvait courir vite. La peur avait du bon finalement, elle permettait de se découvrir un peu plus.
Uchungu calma l’allure. Il se mit à regarder autour de lui, un brin suspicieux. Il reconnaissait ces lieux. Il y avait un point d’eau non loin, ce qui n’était pas plus mal, son gosier était sec. Il avait couru pendant longtemps.
D’un pas craintif mais calculé, le mâle se faufila dans les feuillages de la jungle qui lui conférait un léger camouflage. Ses yeux émeraude brillaient dans la nuit noire, en quête de la moindre chose qui sortirait de l’ordinaire. Lorsqu’il arriva près de l’eau il ne put s’empêcher de constater qu’il n’était pas seul. Une lionne avait visiblement eut la même idée que lui et était venu se désaltérer. Il fallut un certain temps au félin avant de s’apercevoir qu’il s’agissait d’Uzuri. Une vieille connaissance dont il ne savait pas s’il avait quelque chose à craindre d’elle. Peu importe, sa soif le tiraillait trop. Il reprit son souffle et sorti du buisson dans lequel il se trouvait, l’air parfaitement décontracté bien que sa respiration grande et bruyante contrastait grandement avec le tableau.
« Tu es très en beauté ce soir, Uzuri. »
Il inclina légèrement la tête.